Article tiré de la revue Pastorale-Québec, octobre 2020

Par Pierre Robitaille

Dans un contexte bouillonnant…

L’actuelle pandémie a continué à se répandre ces derniers mois, plus ou moins modérément mais constamment, aux quatre coins du monde. De nombreuses mesures sont employées, ajustées et réutilisées pour freiner son expansion et atténuer l’impact varié du virus. Dans cette période de notre histoire tissée d’imprévus, les décideurs dans les diverses sphères d’activité sont appelés à un difficile discernement face à des problématiques pour lesquelles ils n’ont jamais été préparés et qu’ils n’avaient même pas imaginé rencontrer. Non seulement les autorités civiles et politiques, mais aussi les gens d’affaires, les créateurs artistiques, les responsables de l’éducation et de la santé et — oui! — même les pasteurs et leurs équipes se retrouvent dépassés, sous-qualifiés en regard des défis inédits qu’apporte cette pandémie.

Ainsi va la vie; et nos leaders font pour le mieux.

L’Église se veut particulièrement attentive aux états d’âme de la collectivité. Elle s’efforce de poser les gestes les plus pertinents, de démontrer à la fois prudence et souci pastoral en cette période particulière. Il lui faut parvenir à un sain équilibre entre les exigences pour la santé physique et le bien-être spirituel des personnes baptisées qui lui sont confiées.

 

… une Instruction pastorale à recevoir avec intérêt…

Même s’il n’y a pas de lien direct avec le contexte de la COVID-19, un nouveau document a été rendu public le 21 juin dernier, un guide dans nos éventuelles prises de décision qui pourrait s’avérer pour nous aussi surprenant qu’inattendu. Issue de la Congrégation pour le clergé, l’Instruction s’intitule « La conversion pastorale de la communauté paroissiale au service de la mission évangélisatrice de l’Église ». Elle propose une vision pastorale pour la paroisse contemporaine, met l’accent sur certaines perspectives ayant fait leurs preuves et avance des suggestions pratiques prometteuses; le tout afin de nourrir et stimuler toutes les communautés paroissiales désireuses de s’associer activement à la mission évangélisatrice de l’Église.

Cette parution n’était pas prévue en ces temps de bouleversements; elle n’en est pas moins, me semble-t-il, providentielle. L’Instruction peut enrichir l’éventail de nos ressources, alors que pasteurs et collaborateurs pataugent parfois en essayant de naviguer le mieux possible dans les vagues causées par le coronavirus et la sécularisation de notre société québécoise.

Ainsi que le document l’avance (#11):

« la paroisse est appelée à saisir les signes des temps pour adapter le service qu’elle doit rendre aux exigences des fidèles et aux changements historiques. Il faut renouveler un dynamisme qui permette, à la lumière du Concile Vatican II et du Magistère successif, de redécouvrir la vocation de chaque personne baptisée à être disciple de Jésus et missionnaire de l’Évangile. »

 

… qui nous relance dans l’exercice de notre engagement baptismal

En effet, l’appel à conscientiser les personnes baptisées est crucial. Si une paroisse espère vraiment reprendre toutes ses activités et ses projets là où elle les avait laissés, elle a d’abord besoin que toutes ses forces vives mettent la main à la pâte. Les membres d’une paroisse sont tous et toutes impliqués, à divers degrés, dans l’œuvre de l’Église. Chacun, chacune, avec ses charismes, s’investit dans l’édification du Royaume de Dieu.

Essentiellement, parmi les baptisés, on ne trouve pas des philanthropes, même si on peut heureusement compter sur de généreux donateurs. Il n’y a pas non plus de volontaires. Parmi les ouvriers à la vigne du Seigneur, personne ne devrait être engagé simplement pour faire plaisir à Dieu ou dans l’espoir d’obtenir une faveur. Les personnes baptisées sont choisies, convoquées et envoyées par le Christ Jésus lui-même. Leur implication fait d’eux d’authentiques disciples, devenus les yeux, les mains et les pieds du Christ poursuivant sa mission aujourd’hui dans notre monde éprouvé.

Une telle responsabilité a certes un aspect intimidant et un côté exigeant. Tous les baptisés, avec leurs dons spécifiques et leurs expertises diversifiées, sont nécessaires pour maîtriser la tempête et remettre à l’eau la barque de l’Église, avec l’aide de l’Esprit Saint.

 

À cette fin, souplesse et proximité

Plus loin, l’Instruction ajoute ceci (# 29):

« La paroisse est donc une communauté convoquée par l’Esprit Saint pour annoncer la Parole de Dieu et faire renaître de nouveaux enfants à la fontaine baptismale; rassemblée par son pasteur, elle célèbre le mémorial de la Passion, de la mort et de la Résurrection du Seigneur et témoigne de sa foi dans la charité en vivant dans un état permanent de mission, afin que le message salvifique qui donne la vie ne vienne à manquer à personne. »

« Le pape François s’est exprimé à ce sujet: [La paroisse n’est pas une structure caduque; précisément parce qu’elle a une grande plasticité, elle peut prendre des formes très variées, qui demandent la docilité et la créativité missionnaire du pasteur et de la communauté. Même si, assurément, elle n’est pas l’unique institution évangélisatrice, si elle est capable de se réformer et de s’adapter constamment, elle continuera à être ‟l’Église elle-même qui vit au milieu des maisons de ses fils et de ses filles”. Cela suppose que réellement elle soit en contact avec les familles et avec la vie du peuple et ne devienne pas une structure prolixe séparée des gens, ou un groupe d’élus qui se regardent eux-mêmes.] »

Alors que les croyants deviennent plus éveillés à la mission qui leur est dévolue de par leur baptême, ils ont besoin d’être guidés et formés sur ce qui constitue cette mission (et ce qui n’en est pas). L’effort soutenu de l’équipe pastorale par le témoignage, la formation continue et la mise en place d’opportunités communautaires permettra que s’épanouisse fructueusement le riche potentiel que Dieu nous a insufflé pour suivre son Fils.  

L’Instruction nous rappelle d’ailleurs (# 40-41) que :

« Le pasteur qui sert le troupeau avec une générosité gratuite est tenu en même temps de former les fidèles, afin que chaque membre de la communauté se sente impliqué, directement et de manière responsable, pour subvenir aux besoins de l’Église, à travers les multiples formes d’aide et de solidarité dont la paroisse a besoin pour accomplir son service pastoral librement et efficacement. »

« La mission à laquelle est appelée la paroisse, comme centre moteur de l’évangélisation, concerne donc tout le Peuple de Dieu dans ses diverses composantes : prêtres, diacres, personnes consacrées et laïques, chacun selon son charisme et les responsabilités qui lui correspondent. »

 

Un travail d’équipe, fondamentalement

L’Église n’est pas composée seulement de pasteurs. Qui plus est, un pasteur ne saurait devenir ni un solitaire ni un « one man show ». Plus que jamais, l’abondante richesse de l’Évangile et son dynamisme réclament réflexion collaborative et action concertée. Aucun pasteur, pas même le plus sage et le plus talentueux, ne saurait se suffire à lui-même; pas plus, en passant, que le vicaire, la sympathique agente de pastorale ou… le directeur général !

C’est toujours l’Esprit Saint — parfois à notre insu — qui édifie une communauté, qui suscite en elle les habiletés et les ressources dont elle a vraiment besoin. C’est encore Lui qui fortifie et soutient son pasteur, dans sa capacité de discerner adéquatement, d’identifier les solutions, d’écouter, de dynamiser et d’affermir ses frères et sœurs dans les charismes et les talents qui pourront servir la mission.

C’est ainsi que le pasteur, ses collaborateurs et les paroissiens et paroissiennes, dans toute leur pluralité, pourront ensemble répondre activement à l’appel de l’Évangile, alors même que sévit toujours la pandémie, avec son cortège d’inquiétudes et d’incertitudes. Ainsi que ce texte l’aura humblement et rapidement esquissé, l’Instruction romaine sur la vie paroissiale constitue une ressource bénéfique dans notre propre réflexion sur la relance de nos paroisses. Elle tombe à pic dans le contexte actuel, avec ses contraintes, ses défis et ses possibilités quelquefois insoupçonnées.

 

 NDLR : Nous profitons de cette collaboration additionnelle pour féliciter l’abbé Pierre Robitaille, devenu cet été rédacteur en chef de la revue de l’Office national de liturgie, Vivre et Célébrer. Compte tenu de cette nouvelle responsabilité qui s’ajoute à ses tâches de vicaire à Notre-Dame de Québec, il n’est pas certain qu’il pourra poursuivre avec nous comme chroniqueur liturgique. Mais s’il décide que ce lui est possible, nous serons très heureux de le lire régulièrement dans nos pages.                      R.T.