Pour tous les détails sur cette prise de parole des évêques sur le projet de loi 52 sur les soins en fin de vie (ouvrant la porte à l’euthanasie) et l’éventuelle charte des valeurs du Québec.

Capture ECDQ 19-09

Pour visionner la conférence et la période des questions (durée de 30 minutes).
Merci à l’équipe de notre webtélé www.ECDQ.tv pour la captation et la webdiffusion.

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Voici le texte complet de la déclaration de Mgr Fournier ce matin:

Déclaration de Monseigneur Pierre-André Fournier,
archevêque de Rimouski et
président de l’Assemblée des évêques catholiques du Québec
lors de la conférence de presse
du 19 septembre 2013

Comme vous savez, nous les évêques du Québec sommes en réunion annuelle d’automne cette semaine. Il y a plusieurs sujets à l’agenda.

La dernière fois que nous nous sommes rencontrés, évêques et représentants des médias, c’était le 13 mars, au cours de notre précédente assemblée plénière. C’était bien sûr à l’occasion de l’élection du pape François, un événement qui reste gravé dans nos mémoires.

Depuis ce temps, un événement tragique nous a tous profondément marqués: la catastrophe ferroviaire qui a frappé Lac-Mégantic.

Dans les jours et les semaines qui ont suivi, nous avons été marqués non seulement par la peine, la douleur et le deuil, mais aussi par le témoignage lumineux d’innombrables Québécois et Québécoises qui ont démontré la compassion et la solidarité qui les habitent et les valeurs qui les animent. Combien d’exemples nous avons eus d’entraide, de soutien mutuel dans l’épreuve, de foi et d’espérance, que ce n’est pas la mort mais la vie et l’amour qui doivent avoir le dernier mot.

Quelle belle illustration nous avons eue de la collaboration entre nos institutions civiles et religieuses! Il était admirable de voir la mairesse de la municipalité et le curé de la paroisse assumer pleinement leur rôle et leurs responsabilités dans la complémentarité et le respect de leur fonction. Comme c’était édifiant de voir les secouristes de la Croix Rouge, les policiers, les pompiers, les intervenants de tout azimuts et les nombreux bénévoles du Lac-Mégantic et d’ailleurs unis dans la créativité. C’est comme si tout le Québec voulait être présent et apporter son secours. Je pense aussi à la communauté chrétienne qui a offert une écoute, un lieu permanent d’accueil et de recueillement; je pense à ses cloches qui ont tinté quarante-sept fois et à la messe commémorative à couleur locale et avec ces symboles de foi en la transcendance de la vie.

En ce moment de notre histoire où nous voulons tenir compte de notre passé pour discerner ensemble des chemins d’avenir, l’événement de Lac-Mégantic nous rejoint et nous éclaire. Pour présenter le message pastoral de l’Assemblée des évêques catholiques du Québec, intitulé Catholiques dans un Québec pluraliste, j’écrivais: « Oui, Dieu aime ce Québec, notre Québec, avec ses talents et ses projets, ses musiques et ses danses, son exubérance, parfois, et ses silences, aussi. »

Deux sujets majeurs retiennent aujourd’hui notre attention : le projet de loi 52 sur l’euthanasie qui est présentée comme «aide médicale à mourir» et les orientations gouvernementales en matière d’encadrement des demandes d’accommodement religieux, d’affirmation des valeurs de la société québécoise ainsi que du caractère laïque des institutions de l’état.

Réfléchissons d’abord sur le projet de loi 52.

Deux de nos collègues se présenteront à la Commission de la Santé et des services sociaux à Québec cet après-midi à 16 h. Mgr Noël Simard, évêque de Valleyfield, et Mgr Pierre Morissette, évêque de Saint-Jérôme, partageront nos inquiétudes devant ce projet de loi. Voici quelques-unes de nos convictions.

Nous comprenons l’impuissance qu’on peut ressentir devant une personne en fin de vie qui vit des souffrances, de l’inquiétude, de l’angoisse. Nous sommes sensibles à leur besoin de compassion, de soins d’accompagnement. Jésus s’est toujours fait proche des personnes souffrantes. Il n’était jamais indifférent devant la souffrance.

Ces dernières décennies, au Québec, nous avons fait des pas fort intéressants et prometteurs dans le domaine des soins palliatifs. Pourtant encore aujourd’hui, plus de la moitié de la population québécoise n’a pas accès aux soins palliatifs. À notre avis, c’est là qu’il faut vraiment investir nos ressources et nos énergies. Nous n’acceptons pas que l’injection létale ou autres moyens utilisés pour mettre fin à la vie d’une patient soient considérées comme un soin, pas plus qu’est acceptable l’acharnement thérapeutique.

Les Québécois et les Québécoises ont été au premier rang des gens qui ont lutté pour la vie, contre la mort, en particulier par leur opposition à la guerre et leur refus de la peine de mort.

Nous avons toujours compté sur nos médecins, nos infirmières et le personnel médical pour prendre soin de nous, de nos malades, pour soulager, pour soigner et pour guérir : jamais pour donner la mort.

Une véritable aide aux mourants, c’est mettre l’accent sur l’accompagnement non seulement des malades, mais aussi de leurs proches, de leurs familles qui vivent aussi de grandes souffrances quand ils voient s’achever lentement la vie d’une personne aimée. Ce débat arrive à un moment de notre histoire où le vieillissement de la population du Québec présente des défis de taille.

Il sera nécessaire de donner toute la formation et tout l’appui nécessaires au personnel soignant qui œuvre en soins de fin de vie.

Voilà pourquoi nous sommes contre le projet de loi 52 sur l’euthanasie.

Abordons maintenant le deuxième sujet annoncé, toutes les questions entourant l’État et le fait religieux.

Dans tout État démocratique, le gouvernement a un rôle fondamental à jouer pour assurer ce que le préambule de la Déclaration universelle des droits de l’homme appelle « le respect universel et effectif » des droits et libertés. Et ce respect inclut celui de la liberté de religion.

Jouir de la liberté de religion, c’est bien sûr pouvoir librement se réunir avec d’autres croyants pour la prière et le culte. Mais c’est encore davantage. D’après la Déclaration universelle, le droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion implique «la liberté de manifester sa religion ou sa conviction seul ou en commun, tant en public qu’en privé, » (Article 18). Il s’agit là, il faut le noter, d’un droit fondamental et non d’une concession ou d’un privilège que les États accorderaient à leurs citoyens.

Il est tout à fait raisonnable de vouloir un État laïque. Jésus n’a pas hésité à affirmer : « Rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu » (Mt 22, 21). S’il est vrai que l’État est laïque, la société demeure pluraliste.

Sur le plan spirituel et religieux, les gens sont libres de croire ou de ne pas croire. Pas de religion officielle. Mais pas d’athéisme officiel non plus.

C’est ça la neutralité. L’État respecte ce que les gens vivent et expriment.

S’il est vraiment neutre, il va même prendre les mesures pour s’assurer que les gens peuvent vivre leur foi ou leur incroyance et l’exprimer librement. La neutralité et la laïcité n’existent pas pour restreindre le développement des religions mais pour créer un milieu où chaque personne jouit effectivement de la liberté de conscience et de religion.

Il est tout à fait raisonnable pour un gouvernement de vouloir donner des balises pour encadrer les demandes d’accommodements pour des raisons religieuses. Il en va du bons sens pour notre vivre ensemble. Cela évitera des situations pénibles inutiles.

Sauf quelques exceptions, qui devront être déterminées par le gouvernement, il ne nous apparaît pas nécessaire de restreindre les employés des services publics dans le port de signes religieux. Ce qui importe d’abord pour les personnes en service public, c’est leur compétence, leur accueil, leur respect.

Le débat entourant ces questions importantes a déjà causé beaucoup de fractures dans notre société québécoise. Ne serait-il pas bon de penser à notre avenir en maintenant un niveau de dialogue confiant et serein ?

Notre Québec arrive à une nouvelle étape de son histoire, une étape où il doit relever des défis dans un monde de plus en plus diversifié où les différences de convictions et de croyances doivent favoriser notre développement collectif.

Nous, les évêques catholiques du Québec, sommes heureux de participer à ce débat de société et d’apporter notre contribution au devenir du Québec.