Voici une lettre des évêques catholiques du Québec à leurs soeurs et frères catholiques du Québec à l’occasion de la réouverture des lieux de culte le 7 février prochain. 

Communiqué

Avec toutes les personnes croyantes, nous, évêques catholiques du Québec, nous réjouissons de la réouverture des lieux de culte le 7 février 2022. Nous y voyons une reconnaissance, par les autorités publiques, de l’importance des rassemblements et des activités religieuses pour un nombre important de citoyens. Il sera ainsi possible pour les communautés de reprendre graduellement leurs activités et apporter ainsi soutien et réconfort à un grand nombre de personnes.

La reprise de nos activités est l’occasion de rappeler le devoir de l’État de respecter, de promouvoir et de protéger la liberté religieuse. La Déclaration sur la liberté religieuse faite durant le Concile Vatican II est très claire à ce sujet et nous faisons nôtre cette conviction :

C’est pour tout pouvoir civil un devoir essentiel que de protéger et promouvoir les droits inviolables de l’homme. Le pouvoir civil doit donc, par de justes lois et autres moyens appropriés, assumer efficacement la protection de la liberté religieuse, de tous les citoyens et assurer des conditions favorables au développement de la vie religieuse en sorte que les citoyens soient à même d’exercer effectivement leurs droits et de remplir leurs devoirs religieux, et que la société elle-même jouisse des biens de la justice et de la paix découlant de la fidélité des hommes envers Dieu et sa sainte volonté.[1]  

La réouverture de nos églises est le fruit des nombreux efforts des membres de la Table interreligieuse de concertation du Québec, dont nous sommes solidaires et avec lesquels nous avons coordonné nos efforts pour demander avec insistance au gouvernement la réouverture des lieux de culte le plus rapidement possible. Nous avons aussi insisté pour que les personnes fréquentant nos assemblées soient exemptées de l’exigence du passeport vaccinal, conscients des effets négatifs de son imposition sur nos communautés.

Nous reconnaissons que de nombreux croyants et croyantes estiment que cette exigence constitue une discrimination intolérable qui prive les personnes non vaccinées du droit à leur liberté religieuse. Cette exclusion leur paraît incompatible avec l’essence même d’une communauté croyante accueillante de la diversité, compatissante et ouverte, ce avec quoi nous sommes tout à fait d’accord.

Toutefois, en ce temps exceptionnel de pandémie, les catholiques ont le devoir de joindre leurs efforts à ceux de tous les membres de la société pour assurer la sécurité et la santé de toutes et de tous. Et ce, même si certaines mesures portent atteinte pour un temps à l’exercice de certaines libertés.

La Déclaration sur la liberté religieuse[2] nous interpelle à ce sujet. Au numéro 2 de ce texte, on peut lire :

Ce Concile du Vatican déclare que la personne humaine a droit à la liberté religieuse. Cette liberté consiste en ce que tous les hommes doivent être exempts de toute contrainte de la part tant des individus que des groupes sociaux et de quelque pouvoir humain que ce soit, de telle sorte qu’en matière religieuse nul ne soit forcé d’agir contre sa conscience ni empêché d’agir, dans de justes limites, selon sa conscience, en privé comme en public, seul ou associé à d’autres.

La déclaration reconnaît donc que de « justes limites » peuvent être imposées à la liberté religieuse en certaines circonstances. De plus, les Pères du Concile estiment aussi nécessaire de souligner au numéro 7 de la même déclaration que cette liberté n’est pas absolue : elle vient avec une responsabilité à l’égard du bien commun. 

Dans l’usage de toute liberté doit être observé le principe moral de la responsabilité personnelle et sociale : la loi morale oblige tout homme et groupe social à tenir compte, dans l’exercice de leurs droits, des droits d’autrui, de leurs devoirs envers les autres et du bien commun de tous. À l’égard de tous, il faut agir avec justice et humanité.[3]

Ainsi, pour les membres de la communauté catholique, l’expression de la liberté religieuse n’est pas centrée uniquement sur les droits et besoins individuels, mais aussi sur le souci de la santé d’autrui. Cette liberté peut exceptionnellement faire l’objet de restrictions provisoires en vue du bien commun.

Il en est de même pour la liberté de conscience. En effet, la conscience n’opère pas en vase clos : elle se forme en dialogue avec différentes sources de sagesse morale et ses décisions doivent être orientées vers les autres, en solidarité avec les autres. Comme le rappelait le pape François dans une allocution faite à des membres de médias catholiques le 28 janvier 2022, « nous ne nous sortons pas seuls d’une crise »[4].   Pour cela, il nous faut travailler ensemble, ensemble pour les autres, spécialement ceux et celles qui sont démunis, et ensemble au service de la vérité, ce qui signifie chercher ce qui promeut la communion et le bien de tous et toutes.

Alors que l’humanité fait face aux risques que fait peser la pandémie sur nos sociétés, les catholiques reconnaissent au gouvernement non seulement le droit, mais surtout le devoir d’intervenir pour assurer la santé et la sécurité de toutes et de tous. C’est le devoir de l’État, même si les décisions prises sont imparfaites et discutables, faites au prix de compromis scientifiques et politiques.

Tout en exerçant une saine vigilance ainsi que notre devoir démocratique de discuter et de remettre en question certaines décisions, nous sommes interpellés par l’apôtre Paul, qui nous rappelle à ne jamais cesser de soutenir nos gouvernants par nos prières :

J’encourage, avant tout, à faire des demandes, des prières, des intercessions et des actions de grâce pour tous les hommes, pour les chefs d’État et tous ceux qui exercent l’autorité, afin que nous puissions mener notre vie dans la tranquillité et le calme, en toute piété et dignité. (Première épitre à Timothée 2,1-2)

C’est la raison pour laquelle il nous apparaît raisonnable, dans les circonstances, de consentir à certains compromis pour contribuer à la sécurité et la santé de tous. Pour un temps, nous acceptons que le passeport vaccinal soit requis pour accéder à un lieu de culte, même si cette mesure nous indispose profondément. Nous demeurons toutefois en contact avec les autorités gouvernementales pour leur rappeler que cette exigence va contre nos convictions et pour nous assurer qu’elle sera levée dès qu’il sera sécuritaire de le faire.

Cela dit, nous tenons à affirmer le souci de tous les pasteurs de notre Église de chercher par tous les moyens à accompagner et à offrir du soutien à toutes les personnes qui pour un temps, n’auront pas accès à nos églises. Que ce soit par des rencontres individuelles, par la diffusion de célébrations, par des célébrations en plein air ou par tout autre moyen sécuritaire, nous souhaitons que toutes les personnes baptisées soient accueillies et accompagnées.

En ces temps exceptionnellement difficiles pour tous et toutes, nous unissons notre prière à celle du pape François : «Je demande à Dieu, conclut le Saint-Père, que chacun de nous puisse apporter son petit grain de sable, son petit geste d’amour.»[5] D’aucune manière, les contraintes que nous rencontrons ne nous empêchent d’aimer notre prochain, de lui porter secours, de lui offrir notre amitié.

Que la Paix du Seigneur et sa grâce vous accompagnent !

Les membres de l’Exécutif de notre Assemblée,

+ Christian Rodembourg, M.S.A.
Évêque de Saint-Hyacinthe
Président de l’Assemblée

+ Paul-André Durocher
Archevêque de Gatineau
Vice-président de l’Assemblée

+ Gérald C. Card. Lacroix
Archevêque de Québec

+ Christian Lépine
Archevêque de Montréal

+ Luc Cyr
Archevêque de Sherbrooke

 

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