J’ai vu en cette semaine de la justice réparatrice le film Spotlight : Édition spéciale. Beaucoup d’émotions pour moi lors du visionnement, mais aussi un sentiment de nécessité de prendre le clavier pour vous partager quelques observations sur ce film qui ne laissera personne indifférent.

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Pour ceux et celles qui n’ont pas vu le film

Vous n’avez pas encore entendu parler de ce film qui sera probablement en lice à la prochaine cérémonie des Oscars? (AJOUT: En nomination dans 6 catégories. Gagnant du meilleur film et meilleur scénario original. Bravo à ses artisans!)

Voici la description qu’en fait Médiafilm :

Spotlight – Édition spéciale (Spotlight)

(3) É.-U. 2015. Drame historique de Tom McCarthy avec Mark Ruffalo, Michael Keaton, Rachel McAdams. En 2001, une équipe de journalistes du Boston Globe révèle au grand jour les manoeuvres de l’archidiocèse de la ville pour protéger des dizaines de prêtres pédophiles. Hommage senti au journalisme d’enquête. Charge mesurée contre l’Église en tant qu’institution politique. Dialogues abondants et vrais. Mise en scène fébrile et expressive. Distribution impeccable. (sortie en salle: 20 novembre 2015)

La bande-annonce est disponible en français ici.

Un film de grande qualité, mais très dur pour l’Église catholique. Je vous invite personnellement à le regarder, car je partage l’avis de la critique de film américaine Helena Burns (une religieuse) qui écrit dans un texte (excellent, à lire ici) sur Spotlight :

« Pourquoi voir ce film? Pour, en premier lieu, honorer les victimes, et deuxièmement pour comprendre comment la corruption – quel que soit sa forme – fonctionne, pour être vigilant et s’y opposer. PLUS JAMAIS. »

Le film démontre bien, comme le dit l’un des protagonistes du film, que si cela prend « un village pour élever un enfant », cela prend aussi « un village pour en abuser un. » Le système juridique, policier et médiatique de l’époque est donc aussi pointé du doigt. Reste que pour les catholiques qui ont pris leurs distances de l’Église et les personnes qui ne partagent pas notre foi, c’est une œuvre qui ne donnera pas le goût de reprendre contact ou de créer des ponts avec notre communauté. Ils ont des questions légitimes (tout comme ceux et celles qui participent activement à la vie de l’Église), d’où l’importance de proposer des ressources (au bas de cet article) pour bien saisir que cette œuvre témoigne d’une époque révolue. De telles manœuvres au sein de l’Église sont heureusement condamnées avec fermeté.

Fait important à noter, ce film ne contient aucune scène d’abus sur des mineurs, seuls de brèves descriptions des gestes racontés par les victimes. Il faut saluer l’approche du réalisateur qui a choisi de se tenir loin de toute approche sensationnaliste. Un film essentiellement sur le travail de longue haleine d’un groupe de journalistes qui sera reconnu éventuellement par un Prix Pulitzer. Le film est classé « Visa général » (?) au Québec, 14 ans et + en Ontario et R / 17 ans et + aux États-Unis. La recommandation américaine me semble la plus appropriée.

 

Pour ceux et celles qui ont vu le film

Vous venez de voir le film. Vous avez la nausée, avec raison. Le film du réalisateur Tom McCarthy explore l’un des épisodes les plus tristes de l’histoire récente de l’Église catholique.

Le film est tiré de faits vécus particulièrement pénibles à entendre pour un cinéphile catholique. J’ai peine à imaginer ce que le visionnement doit provoquer comme sentiments pour les personnes ayant été victimes de prêtres (et de toutes celles ayant été abusées par leur parents, figures d’autorité, etc.). L’Église catholique fait de son mieux pour les accueillir et les écouter, mais force est de constater que pour plusieurs d’entre elles, le ressentiment envers l’institution demeure.

L’Église catholique en fera-t-elle jamais assez pour racheter les horreurs commises par certains de ses membres? Je ne sais pas si c’est humainement possible. Chaque geste compte et l’Église catholique canadienne est l’une des premières au monde à avoir développé une série de mesures afin que de tels gestes ne se répètent plus jamais.

La Conférence des évêques catholiques du Canada offre une page de ressources pour se familiariser avec les actions entreprises depuis 1990 au Canada. Le travail se poursuit avec une commission ad hoc, dont l’un des membres est l’archevêque de Halifax, +Anthony Mancini. Sa conférence présentée en 2011 dans le cadre du colloque Traumatisme et transformation Qu’ai-je appris au sujet des prêtres dans la crise actuelle des abus sexuels commis sur des mineurs demeure un texte de référence sur la question, car il l’aborde d’un point de vue très personnel. Les évêques américains ont eux aussi pris de nombreuses mesures que l’on peut retrouver en anglais sur cette page.

Revenons au film, dont plusieurs parties méritent réflexion.

Un portrait glacial de l’Église

Y a-t-il un représentant officiel de l’Église le moindrement sympathique dans ce film? Vous n’en trouverez pas. Ce n’est évidemment pas mon expérience d’Église. Est-ce la vôtre? Les évêques, prêtres, diacres, membres de vie consacrée et personnes laïques que je côtoie sont animés par le désir d’être des témoins cohérents de l’amour de Jésus Christ.

La principale figure de l’Église au sein du film est celle du cardinal Bernard Law, l’archevêque de Boston de l’époque qui aurait participé au camouflage des abus. Les tribunaux américains ne porteront jamais d’accusations contre sa personne. Il plaidera qu’il avait toujours agi de bonne foi, laissant la gestion active à des subalternes. Dans une déclaration peu après sa démission à la fin 2002, il dira : To all those who suffered from my shortcomings and my mistakes, I once again apologize and I beg for their forgiveness (À tous ceux qui ont souffert de mes erreurs, je m’excuse de nouveau et je leur supplie de me pardonner). Texte complet de la déclaration sur le site du Boston Globe.

L’annonce, à la fin du film, que le cardinal Law fut nommé archiprêtre de la basilique Sainte-Marie-Majeure de Rome (jusqu’en 2011) a fait rire jaune les journalistes lors de la première du film au festival de Venise en septembre dernier. Comme beaucoup de catholiques, je partage l’opinion que ce n’était pas le choix le plus judicieux dans les circonstances.

Le diocèse de Boston paiera plus de 85 millions en indemnisations aux victimes et prendra de nombreuses mesures que l’on peut retrouver sur leur site Web.

Célibat consacré : le portrait erroné de Richard Sipe

Dans une conversation téléphonique avec l’équipe de Spotlight, le psychothérapeute Richard Sipe, un ancien prêtre très médiatisé aux États-Unis, affirme que seulement 50% du clergé vit le célibat et 6% de tous les prêtres sont des abuseurs de mineurs. Depuis maintenant 20 ans que M. Sipe lance ces affirmations sur la place publique.

Rappelons d’entrée de jeu que ces statistiques proviennent d’extrapolations basées sur des observations de M. Sipe. La vérité est qu’il est périlleux d’avancer de telles statistiques qui n’existent tout simplement pas au Canada. L’immense majorité des prêtres vivent le célibat consacrée comme une forme de don inconditionnel et libre à Dieu. Si un prêtre a besoin de soutien, il sera accompagné. S’il ne peut respecter son vœu de célibat, il ne sera jamais laissé dans son ministère.

Pour ce qui est du 6% d’abuseurs, la Conférence des évêques américains a demandé au John Jay College en 2011 une grande étude qui citait que de 1950 à 2002, environ 4% des prêtres actifs qui exerçaient un ministère aux États-Unis ont été accusés pour des abus sur des mineurs. C’est énorme, mais l’épicentre des cas remontent aux années 1968 à 1982. Dans le diocèse de Québec, nous pouvons dire qu’il n’y a aucun prêtre abuseur en ministère. Tolérance zéro. Nous sommes fiers d’offrir un milieu sécuritaire au sein de chacune de nos paroisses.

Pour bien comprendre le célibat des prêtres, voici un intéressant dossier de la Conférence des évêques de France. http://www.eglise.catholique.fr/approfondir-sa-foi/vivre-sa-foi-a-tous-les-ages/etre-appele-chacun-sa-vocation/le-celibat-des-pretres/

Une épreuve pour la foi à traverser

Tous les membres de l’équipe de journalistes de l’unité Spotlight ont reçu une éducation catholique à l’enfance, mais ont décroché de la pratique avec les années. Un échange du film entre les reporters Michael Rezendes (Mark Ruffalo) et Sarah Pfeiffer (Rachel McAdam) est particulièrement troublant, alors que le journaliste exprime qu’il espérait reprendre un jour contact avec l’Église, mais devant l’ampleur du scandale, cela lui apparait maintenant impossible. La situation est d’autant plus vraie pour les victimes. Combien de personnes ont perdu la foi à cause de cette tragédie? C’est sans compter bien sûr tous les catholiques qui ont décroché de la pratique en bonne partie parce qu’ils ne voyaient plus en l’Église la porteuse du flambeau que nous a laissé Jésus Christ. Depuis plus de 2 000 ans, la profonde humanité de l’Église a fait que, trop souvent, certains de ses membres ont pu se comporter de façon non-évangélique. Pourquoi est-elle toujours debout? Jésus a promis de ne jamais abandonner son Église et le témoignage de sainteté de ses disciples aujourd’hui, reconnus ou non, nous rappelle sa mission. L’annonce du Christ en paroles et par des gestes de charité attire encore des centaines de millions de personnes à travers le monde parce qu’elle prend sa source dans l’Amour divin. C’est pourquoi j’aime cette Église, dans ses forces et ses faiblesses, en œuvrant humblement avec ma famille diocésaine de façon à ce nous puissions toujours être plus cohérents avec l’idéal chrétien que nous partageons.

 

Des ressources en français pour approfondir la question des abus sexuels au sein de l’Église catholique

Notre protocole diocésain en cas d’allégation d’inconduite, d’agression sexuelle commises par des membres du clergé ou des personnes mandatées en pastorale

Voici son introduction : Les agressions et les abus sexuels sont des actes intolérables et inacceptables. Lorsque commis par des membres du clergé ou des laïcs engagés au sein de l’Église, ces actes ont un impact important sur toute la communauté ecclésiale de même que sur la société civile. De telles situations, lorsqu’elles se produisent, doivent entraîner des réponses empreintes de compassion tant envers les victimes alléguées qu’envers les personnes visées par des accusations. En ce qui la concerne, l’Église catholique de Québec intervient par l’entremise d’un délégué de l’évêque, d’un Comité conseil et d’un Protocole diocésain. Ces moyens ont pour but de permettre d’agir rapidement et efficacement dans l’appréciation des situations d’allégation d’inconduite ou d’agression sexuelle mettant en cause un membre du clergé (diacre, prêtre, évêque) ou une personne mandatée en pastorale, dans le respect de chacune des personnes concernées.

Ressources de la Conférence des évêques catholiques du Canada

La Conférence des évêques catholiques du Canada offre une page de ressources pour se familiariser avec les actions entreprises depuis 1990 au Canada

La section Abus sur mineurs. La réponse de l’Église sur le site de Vatican

Prise de parole du +Paul-André Durocher, (archevêque de Gatineau et président de la Conférence des évêques catholiques du Canada à l’époque de l’enregistrement), lors de l’émission Enquête du 2 novembre 2015 https://www.youtube.com/watch?v=qaotPvT_S1Q

Qu’ai-je appris au sujet des prêtres dans la crise actuelle des abus sexuels commis sur des mineurs? Conférence de +Anthony Mancini, archevêque de Halifax, présentée dans le cadre du colloque Traumatisme et transformation (Université McGill, octobre 2011).

 

Des ressources pour approfondir le film

La plupart des articles sont en anglais. Traduction en français possible via https://translate.google.com

Article de Radio-Vatican après la victoire du film aux Oscars
http://fr.radiovaticana.va/news/2016/03/01/le_film_spotlight_bouleverse_de_nombreux_catholiques/1212237

Déclaration du Jury Signis (Association catholique mondiale pour la communication) lors de la première du film au Festival de Venise
http://www.signis.net/spip.php?article7046

Critique du film par Sœur Helena Burns (la critique la plus intéressante à mon humble avis) http://lifeteen.com/blog/catholic-movie-reviews-spotlight/

Dans une lettre pastorale pour souligner le 10e anniversaire des révélations dans le Boston Globe, le nouvel archevêque de Boston, le Cardinal Sean O’Malley avait tenu à remercier le travail des médias (partie 6 de ce texte dont je vous recommande la lecture). Oui, merci aux journalistes!

Mot au sujet du film Spotlight par le cardinal O’Malley
http://www.thebostonpilot.com/article.asp?ID=175073

Critique du Catholic News Service (agence de presse catholique américaine) : http://www.catholicnews.com/services/englishnews/2015/spotlight.cfm

La critique de Radio Vatican (service italien) http://it.radiovaticana.va/news/2015/09/04/venezia_lo_scandalo_della_pedofilia_nella_diocesi_di_boston/1169430 et l’article de John Allen de Crux qui l’analyse http://www.cruxnow.com/life/2015/10/23/vatican-radio-praises-movie-on-boston-globe-coverage-of-clergy-abuse/