Article tiré de la revue Pastorale-Québec, septembre 2021

Entrevue avec le vicaire général
L’homme qui déteste entendre « On a toujours fait ça de même! »

Par Valérie Roberge-Dion

Le chanoine Mario Duchesne a été nommé vicaire général au diocèse de Québec en 2019. Deux ans ont passé, deux tours de roue hors norme et déstabilisants. Le bras droit de l’Archevêque pour l’administration du diocèse a accepté de partager ses constats, sa vision, sa motivation.

Depuis votre entrée en poste comme vicaire général en 2019, nous avons vécu de grands bouleversements. Comment qualifiez-vous « l’état de santé » de notre Église diocésaine?

J’ose le dire avec un regard nouveau, parce que j’arrive du milieu paroissial, où j’ai œuvré 27 ans : je considère que le diocèse fonctionne bien. Je découvre aussi plusieurs faiblesses à notre Église diocésaine, dans l’organisation du travail, dans ce qu’on valorise… Au niveau financier, les nombreuses contraintes nous ont montré que l’Église diocésaine doit arrêter de vivre au-dessus de ses moyens.  L’état de santé financier a été encore fragilisé par la crise de la COVID, alors qu’on a vécu un grand ralentissement des activités. On vient de prendre connaissance de l’importance de retrouver un équilibre financier dans tous les aspects de notre travail.

Au niveau pastoral, on est engagés dans un grand tournant missionnaire, qui implique un déracinement de nos habitudes de travail. La fameuse réplique « On a toujours fait ça de même » n’a plus sa place. Nous ne pouvons pas nous permettre un discours missionnaire qui regarde les paroisses et qui n’engage pas le personnel diocésain. Le virage qui est demandé aux paroisses, il doit se vivre aussi au niveau diocésain. Ce n’est pas vrai que l’Église diocésaine va continuer de rester au niveau de l’organisation de la mission «à distance», et de ne pas être sur le terrain de la mission. Les communautés chrétiennes vont expérimenter de nouvelles façons de faire et nous serons là avec elles.

Quel genre de changements pourrait-on voir dans l’organisation des services diocésains, pour aller dans cette direction?

Cette année, pour la première fois, notre chancelier partagera son temps entre les Services diocésains et un mandat en paroisse, comme modérateur d’une unité missionnaire. C’est un exemple concret d’implication sur le terrain qui pourrait se voir dans d’autres champs d’action.

Un des constats que je fais: il n’y a aucun représentant du diocèse auprès d’organismes communautaires de notre grande région. Un virage missionnaire aux services diocésains implique nécessairement une présence et un vécu sur le terrain avec les gens.

Plus globalement, on sait déjà que dans l’avenir, l’organisation diocésaine ne pourra pas être la même. Je pense aux lieux de travail, à la façon de prioriser les chantiers en fonction des besoins évolutifs. On s’est donc lancés dans une réflexion stratégique. Avant la pandémie, il y a eu une première étape de travail avec la direction du diocèse. Nous allons maintenant pouvoir reprendre la démarche, en impliquant d’autres membres de notre communauté chrétienne. C’est très important d’avancer dans cette réflexion pour faire les bons choix pour l’avenir. La structure des Services diocésains n’existe pas pour elle-même, elle existe en soutien à l’Archevêque, dans la réalisation de la mission.

Vous avez été coresponsable de la gestion des mesures sanitaires pour le diocèse. Comment vous sentez-vous au sortir de la crise de la COVID? Qu’avez-vous observé dans nos milieux?

Je remercie grandement Marie Chrétien qui a piloté le gros de l’opération, les communications régulières avec les équipes responsables du déconfinement, une lourde tâche. La crise a mis en lumière certaines faiblesses de notre organisation, mais je dois dire que j’ai vu beaucoup de résilience pour organiser la mise en place des règles sanitaires. Un chantier immense a été réalisé, avec des bénévoles pas toujours jeunes, qui ont gardé le fort. Les actions ont été inégales et variables dans les temps. Certains milieux ont été exemplaires, mais d’autres se sont éteints, avec des églises fermées et tout travail d’équipe sur pause. C’est une souffrance qu’on va traîner longtemps…

La pandémie a été extrêmement difficile pour le moral des troupes. J’ai entendu des gens remettre sérieusement en question leur engagement en paroisse. Dans nos efforts de réorganisation, il faudra rester attentifs et ne pas oublier ce qu’on a vécu, parce que ça risque de ressurgir dans le futur.

Quelle est la couleur de la contribution que vous essayez d’apporter, comme vicaire général?

Très honnêtement, ma contribution à moi, c’est que j’ai spontanément toujours le regard du curé, et non de l’administrateur diocésain. J’essaie d’apporter le regard des paroisses dans tous les dossiers… souvent en confrontant la réalité diocésaine actuelle!

Ça m’influence beaucoup dans mes décisions.

Le cardinal Lacroix m’a demandé de travailler de pair avec lui, de lui apporter un soutien dans la gestion et l’administration. Je le fais avec plaisir, même si c’est une tâche qui me dépasse souvent. Ce n’est pas vrai qu’on a toutes les compétences, mais je me suis donné des moyens d’être supporté, notamment pour la compréhension des documents juridiques qui passent sur mon bureau chaque jour. Je fais ce que je peux en essayant d’avoir un bon jugement, en complémentarité avec les évêques. J’ai gardé depuis toujours la raison première pour laquelle je suis devenu prêtre, dans un esprit de service au cœur de l’Église. Je veux être en état de service dans les besoins actuels et présentement, je rends le service de soutenir l’Archevêque.

Un souhait pour les évêques, au début de cette nouvelle année pastorale!

Je leur souhaite une année plus tranquille, avec moins d’urgences! Qu’ils puissent prendre le temps d’exercer leurs charismes pour la mission diocésaine, sur le terrain. Le cardinal Lacroix est un véritable pasteur, doté d’une grande créativité pastorale. Mgr Laliberté est un formidable accompagnateur pour la réflexion missionnaire dans les communautés. Mgr Pelchat est un solide guide pour notre Église qui se transforme.

 

Crédit photo : Valérie Roberge-Dion